"Vous croyez au mal ?"
De J. Lemire, A. Sorrentino & D. Stewart. Ed. Urban Comics, 2018.
La grange noire apparaît (& disparaît) en différents lieux, différentes époques. Elle draine en son sillage mort & folie. À Gideon Falls, un marginal, sa psychiatre & un pasteur alcoolique vont partir en croisade contre le mal absolu...
Prologue : Le visage dissimulé derrière un masque anti-poussière, un homme fouille dans les poubelles. Il récupère une esquille de bois, rentre chez lui, ferme les multiples cadenas qui sécurisent son logis, puis place cette esquille dans un bocal, qui rejoint sur une étagère la multitude de ses prédécesseurs. Enfin, l'homme récite le Notre Père.
« Vous croyez au mal ? »
Le père Wilfred arrive à Gideon Falls. Le pasteur qui y officiait depuis trente ans vient de décéder. Son spectre apparaît au père Wilfred dès la première nuit qu'il passe au presbytère. L'homme d'église le suit à travers champs, jusqu'à une grange noire qui, maléfique, irradie au milieu des pâturages. Puis disparaît. En lieu & place, reste la marque au sol de la bâtisse.
& un cadavre.
« (…) j'essaie (…) d'instaurer une atmosphère, un sentiment de malaise permanent ».
C'est ce que dit Jeff Lemire à propos de son travail sur cette série. Vraisemblablement, le but – raconter une histoire d'horreur - est atteint. Gideon Falls couve en son sein « le mal littéral, le mal incarné ». Ses habitants disparaissent. Ou meurent. Ou flirtent avec la folie. Ou, possédés, pètent carrément les plombs. La tension y est palpable, l'ambiance malsaine. Le graphisme, la mise en page, le découpage, la mise en couleurs (assurée par Dave Stewart, coloriste attitré de Mike Mignola sur Hellboy, mais pas que), bref, le visuel dans son entier, illustre parfaitement un scénario qui (sur ce premier tome) démarre vraiment bien. Le dessin est réaliste ; Andrea Sorrentino joue avec les cases, les éclate, les distord, accentuant ainsi la narration. Le résultat est une réussite ; reste à voir, comme de coutume avec un début de série, ce qu'il en sera sur la durée...